Rencontre avec Richard Collasse le 29 mai 2010

Passionnante rencontre avec Richard Collasse. Ce sont les membres des deux comités de lecteurs, du Centre ville et de Don Quichotte, qui en sont à l'origine. Parmi tous les auteurs qu'ils ont lus depuis novembre, ils ont plébiscité l'auteur de Saya, qui vit au Japon depuis plus de trente ans. Richard Collasse a répondu avec un plaisir évident aux questions de l'assemblée. Si bien sûr plusieurs d'entre elles portaient sur son style, sa vocation d'écrivain ou ses projets, les anecdotes qu'il a délivrées avec une verve et un sens de la formule réjouissants ont captivé l'assistance !

Cutter, Yves Ravey, Minuit

Deux adolescents, Lucky et Lili, sont orphelins et pensionnaires de l'Institut de surveillance. Un jour par semaine, ils retrouvent leur oncle Marcel Pithiviers, jardinier et homme à tout faire pour un stage "ménage et jardin" dans la famille Kattenmuller. Marius Kattenmuller, le mari, est retrouvé mort dans son garage, asphyxié dans sa Ford Taunus jaune ...
Yves Ravey nous propose là un scénario serré, se servant d'ellipses, de non-dits, de fausses pistes pour écrire un énigme anxiogène. Il crée autour du personnage de Lucky un univers minimaliste, dépouillé à l'extrême et rythmé par des dialogues au couteau. Mais c'est aussi une trés belle histoire d'amour entre un frère et une soeur. Bref, le lecteur ne sort pas complètement indemne de cette histoire !

La centrale, Elisabeth Filhol, POL

Silonner la France en quête d'un arrêt de tranche, d'un nouveau contrat. Avec le narrateur, un ouvrier itinérant, nous entrons dans le quotidien de ces nombreux hommes, parcourant les routes vers l'un des dix-neuf sites nucléaires que comptent la France. Quotidien composé de danger (l'accident n'est jamais loin, dans les têtes, dans les gestes), de précarité (ils doivent gérer la dose limite de radiations que leur corps peut supporter par an, mille millisieverts, qui, une fois atteinte, leur interdit de pouvoir travailler) et la solitude (même s'ils vivent ensemble, partageant le plus souvent une caravane, un logement de fortune, chacun est enfermé dans son passé, son présent et son avenir, la prochaine centrale à atteindre). La Centrale est un trés beau premier roman, dont la tension ne nous lâche pas ...
Une écriture concise et précise, comme les gestes de ces hommes qui doivent à tout prix éviter la catastrophe.

Principe de précaution, Matthieu Jung, Stock

Pascal Ebodoire est un trader timoré, qui travaille dans l'open space d'une banque parisienne en voie de fusion avec les Italiens. Il habite une banlieue chic avec sa femme Cécile et leurs deux enfants, Manon 11 ans et Julien 15 ans, en pleine crise d'adolescence. Pascal est atteint d'une prudence maladive et s'intéresse à toutes les technologies "sécuritaires" ... Et il a aussi une fascination pour la rubrique des faits divers intra-familiaux, qu'il partage avec son collègue Lionel. Ce dernier, véritable obsédé sexuel, le harcèle tous les midis au réfectoire et lui raconte ses exploits sexuels dans les moindres détails ...
Des dialogues façon "caméra café", des portaits qui font froid dans le dos, un humour acerbe ... ; d'autant que le lecteur se retrouve face à ses lâchetés quotidiennes, à ces arrangements modernes ... pour en rire bien sûr, mais aussi en frémir !

Et le jour pour eux sera comme la nuit, Ariane Bois, Ramsay littérature

Denis, 20 ans, se défenestre. Ses parents Pierre et Laura, Diane sa grande soeur et son petit frère Alexandre tentent chacun à leur façon de réagir à ce drame et de comprendre les raisons de son geste. Chacun dérive dans ses douleurs et finisse par réussir à se reconstruire dans la force de cette famille.
La simplicité des mots, la justesse des sentiments nous plonge dans cette tragédie comme un des membres de la famille. On sort bouleversé, ému de cette lecture.
Le titre de ce livre est inspiré d'un poème de Victor Hugo, "Demain dès l'aube" et plus particulièrement du vers : "triste, et le jour pour moi sera comme la nuit". Ce poème a été écrit en mémoire de sa fille Léopoldine, morte noyée à 19 ans.

Ce que je sais de Vera Candida, Véronique Ovaldé, Ed. de l'Olivier

A travers l'histoire de trois femmes, ce roman nous emmène dans une Amérique du Sud improbable, au coeur d'une île figée dans un autre temps : Vatapuna.
Ancienne prostituée, Rose Bustamente vit aujourd'hui de la pêche de poissons volants. Indépendante, elle ne s'en laisse pas compter par les hommes ... Vera Candida, sa petite-fille, n'aura pas le même destin, elle va quitter Vatapuna, lourde d'un enfant et d'un secret inavouable.
Nous suivons complètement captivés l'histoire de ces femmes combatives, émouvantes, et pleines de dignités. L’écriture fluide de Véronique Ovaldé mène la danse d’un rythme effrené, et on est vite pris par cette petite fable qui transpire l’amour et tout ce qu’on peut espérer de mieux pour les siens, ceux qu’on aime… Car ces femmes plient, elles ne cassent pas.

Saya, de Richard Collasse, Seuil

Au Japon, dans les années 2000. Jinwaki est cadre dans un grand magasin et suit une carrière exemplaire. A la suite d'une restructuration économique, il se retrouve au chômage du jour au lendemain. Situation dont il n'osera parler à personne. Il fait la connaissance de Saya, une jeune lycéenne, rencontrée dans un bar. Entre eux, les "Enjo Kosai" vont bientôt céder la place à un véritable amour et une réelle complicité...

Dans un style simple et sans détour,

au travers de courts chapitres, l'auteur nous emmène dans une poignante tragédie japonaise, traditionnelle et contemporaine à la fois ! C'est un très beau voyage dans l'univers japonais où le poids des coutumes est plus fort que la vie...